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SocioL2 S7
Sport et économie
Sport et économie l’impact économique du sport :
Introduction :
L’analyse de l’impact économique du sport porte sur divers objets : manifestations,
infrastructures, clubs ou sport en général. Nous verrons essentiellement les deux premiers
domaines, à savoir les événements et les équipements sportifs.
? Manifestations
Lorsque l’on étudie les manifestations sportives, il faut distinguer les manifestations à
caractère local des événements sportifs de grande envergure. Seuls ces derniers sont
susceptibles d’exercer un impact significatif sur l’activité économique d’une ville ou d’une
région.
Une distinction est généralement opérée entre deux catégories de manifestations de grande
envergure : les mégamanifestations et les « hallmark events ». Ces derniers sont définis
comme des événements sportifs ou culturels destinés en premier lieu à améliorer la
connaissance et l’attrait d’une destination touristique. La manifestation est mise sur pied dans
le but d’accroître la demande touristique dans la région organisatrice.
Une mégamanifestation, est un événement sportif d’envergure internationale pouvant être
organisé de façon identique n’importe où dans le monde, selon les mêmes règles,
indépendamment du contexte culturel, politique ou économique dans lequel il se déroule.
Seuls les Jeux olympiques et la Coupe du Monde de football correspondent à cette définition.
Outre l’aspect touristique, ces deux types de manifestations sportives de grande envergure
sont susceptibles d’exercer un impact significatif sur l’économie dans laquelle elles se
déroulent, en favorisant la création d’emplois et la croissance de la production.
? Infrastructures
L’influence du sport sur l’économie d’une région peut s’exercer par le biais des
infrastructures sportives. En tant que support physique des manifestations, elles influencent
comme ces dernières le développement économique d’un territoire. Elles sont susceptibles
d’accueillir un ensemble d’événements et exercent ainsi une influence potentielle importante
sur l’activité économique d’une ville ou d’une région.
La participation croissante du secteur public au financement des grandes installations
sportives justifie également l’évaluation de leur impact économique. L’intérêt public d’un
grand projet est souvent évalué en termes de retombées économiques. Les aides financières se
justifient s’il existe un tel intérêt public sous forme, par exemple, d’un impact significatif sur
la production ou l’emploi. Il est par conséquent nécessaire d’évaluer l’impact économique des
infrastructures sportives, mais également des autres effets exercés par ces équipements, tels
que les bénéfices culturels ou sociaux par exemple.
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Types d’effet liés à l’organisation d’un événement sportif
? Les différents types d’effet :
Effets réels et pécuniaires
L’organisation d’un événement sportif génère des coûts et des bénéfices réels ou pécuniaires.
Les premiers exercent une influence sur le bien-être de la collectivité. Si l’organisation d’une
manifestation permet de mieux faire connaître une région et qu’il en résulte un afflux
important de touristes, l’ensemble de la région bénéficie d’un avantage réel. Un moyen d’en
mesurer l’importance consisterait à estimer les dépenses de promotion qu’il aurait fallu
consentir pour atteindre le même résultat. Le coût de construction des infrastructures sportives
constitue un coût réel lié au déroulement d’une manifestation.
A l’inverse, les bénéfices et les coûts pécuniaires n’affectent pas le bien-être de la collectivité :
ils n’ont qu’un effet redistributif, les gains de certains individus étant compensés par les pertes
d’autres individus. Par exemple, l’organisation d’une manifestation sportive de grande
envergure implique la construction de nouvelles infrastructures ou la rénovation des
équipements existants. Cela fournit un surcroît de travail aux entreprises de la région
organisatrice. Pour répondre à l’augmentation de la demande, ces dernières devront engager
du personnel supplémentaire. Le salaire des employés du secteur de la construction aura donc
tendance à augmenter. Cela constitue un gain pour ces derniers mais, pour la collectivité dans
son ensemble, il ne s’agit pas d’un bénéfice réel. En effet, l’augmentation de ces salaires sera
compensée par une diminution relative de la rémunération des travailleurs d’autres secteurs. Il
ne résulte de ce processus aucune modification du bien-être de la collectivité. L’augmentation
des salaires des employés du secteur de la construction est par conséquent un bénéfice
pécuniaire.
Effets macroéconomiques à court et à long terme
Une manifestation sportive provoque deux types d’effets économiques : effets à court terme et
effets à long terme. Les bénéfices à court terme résultent essentiellement des dépenses des
visiteurs et des organisateurs durant la phase de planification et d’organisation de la
manifestation. Ces dépenses constituent une injection nette dans l’économie locale, stimulant
la production ou favorisant la création d’emplois. Mais ces effets sont temporaires : on
constate généralement que le niveau d’activité économique retrouve son niveau initial peu de
temps après le déroulement de la manifestation.
Les événements sportifs peuvent cependant exercer des effets durables (ou de long terme) en
conduisant à une augmentation permanente du niveau de l’activité économique de la ville ou
de la région hôte. Ce phénomène peut résulter, par exemple, de l’amélioration de la
connaissance de la région grâce à l’importante couverture médiatique qui accompagne les
manifestations sportives de grande envergure. Cela permet de favoriser la croissance du
secteur touristique de la région organisatrice. La construction et l’amélioration des 3
infrastructures générales – routes, télécommunications... – qui accompagnent l’organisation
de grandes manifestations exercent également un impact à long terme sur l’économie locale,
grâce à une meilleure accessibilité et à la réduction du coût des communications. Il s’agit pour
les régions organisatrices de mettre en oeuvre des stratégies permettant de maximiser les
bénéfices de long terme résultant des manifestations sportives.
En ce qui concerne les coûts à long terme, on peut mentionner les phénomènes de
renchérissement (spéculation immobilière) ou de dégradation de l’environnement naturel
(construction d’infrastructures inesthétiques, destruction de ressources naturelles).
Effets matériels et immatériels
Les bénéfices et les coûts provoqués par une manifestation ou une infrastructure sportive sont
soit matériels, soit immatériels. Cette distinction ne concerne que les effets réels. Les coûts et
bénéfices matériels ont une valeur déterminée sur un marché, contrairement aux coûts et
bénéfices immatériels, pour lesquels il n’existe pas de marché. Ainsi, les coûts de construction
des infrastructures sportives entrent dans la catégorie des coûts matériels puisqu’ils sont
sanctionnés par un prix établi sur un marché – celui de la construction ou des biens
d’équipement. Par contre, la dégradation du paysage naturel consécutive à l’organisation
d’une manifestation sportive n’a pas de valeur déterminée par un marché. Les atteintes à
l’environnement correspondent néanmoins à un coût réel qu’il s’agit d’intégrer dans la
décision d’organiser un événement sportif. C’est donc l’absence de prix qui distingue les
bénéfices et les coûts matériels des bénéfices et des coûts immatériels. Il existe cependant
diverses techniques permettant d’attribuer une valeur monétaire à ces derniers.
Dans le cas du sport, on peut citer comme avantage matériel les profits supplémentaires
réalisés par les entreprises de la région hôte. Les coûts matériels sont par exemple les coûts
liés à l’organisation de la manifestation – salaires des organisateurs, des sportifs... – ou à la
construction et à l’exploitation des installations sportives. Les bénéfices immatériels sont
constitués notamment du plaisir éprouvé par les spectateurs, du sentiment de fierté ressenti
par les habitants de la ville ou région organisatrice ou de l’amélioration de l’image de la
région. Quant aux coûts immatériels, on peut citer les dommages à l’environnement naturel
(pollution, destruction de ressources, dégradation de paysages) ou les nuisances imposées à la
population résidante (nuisances sonores, congestion). Ces bénéfices et coûts immatériels
impliquent une modification du bien-être de la collectivité. A ce titre, il convient de leur
attribuer une valeur monétaire, de manière à pouvoir les intégrer dans la décision d’organiser
une manifestation sportive.
Effets privés et externes
Une dernière distinction peut être opérée entre bénéfices ou coûts privés et externes. Les coûts
privés sont ceux pour lesquelles le responsable verse une compensation à la partie qui
supporte le coût. De façon similaire, les individus bénéficiant d’avantages privés s’acquittent,
en contrepartie, d’un paiement. Dans le cadre du sport, les coûts qui entrent dans la
comptabilité du comité d’organisation sont de nature privée (salaires, achats d’équipements,
etc.). De même, le bénéfice réalisé par les organisateurs constitue un avantage privé. Le
plaisir éprouvé par les spectateurs qui assistent à l’événement est également un bénéfice privé
puisque ces derniers ont, en compensation, payé leur billet d’entrée.
En revanche, les coûts qui ne donnent pas lieu au versement d’une compensation monétaire
sont des coûts externes. Ainsi, les coûts liés à l’organisation d’un événement sportif et qui
sont imposés à la population sous forme de nuisances sonores, de congestion ou de
dégradation de l’environnement naturel sont des coûts externes. En effet, ils ne donnent pas
lieu à une compensation de la part des agents responsables. De façon similaire, les avantages 4
externes sont des bénéfices dont profitent certains agents sans avoir à en payer le prix. Les
bénéfices liés à l’amélioration de l’infrastructure générale qui résulte de l’organisation d’une
manifestation de grande envergure sont externes. En effet, ces investissements sont financés
par l’ensemble des contribuables du pays alors qu’ils ne profitent qu’aux individus de la
région organisatrice. Ceux-ci ne payent donc pas la totalité des avantages dont ils bénéficient.
Il en va de même du plaisir et du sentiment de fierté éprouvés par la population de la ville ou
de la région hôte. Les individus qui n’assistent pas à la manifestation en tirent tout de même
un certain bénéfice qui ne donne pas lieu à une compensation.
Coûts et bénéfices
? Les différents coûts et bénéfices
Chaque groupe d’acteurs réalise soit
un bénéfice, soit une perte. En
additionnant les avantages et les
coûts des organisateurs, des visiteurs
et de la société, on obtient un critère
permettant de juger de l’opportunité
d’organiser un événement sportif
particulier.
Le principe est simple : il s’agit de
dresser un inventaire des coûts et des
avantages résultant d’un projet et de
les comparer. Si les bénéfices
excèdent les coûts, le projet permet
d’accroître le bien-être d’une
collectivité et il est donc opportun de
le réaliser. Par contre, si les coûts
dépassent les bénéfices, il est
préférable, du point de vue du bien-
être social, de renoncer à cet
investissement.
Coûts et bénéfices des organisateurs
Les coûts et les bénéfices des
organisateurs d’une manifestation
sportive sont essentiellement de
nature financière. Du côté des
bénéfices, une première catégorie
correspond aux recettes liées à
l’organisation de l’événement
(recettes de fonctionnement). La
majeure partie d’entre elles résultent
de la vente des billets aux visiteurs et
des droits de retransmission accordés
aux différentes chaînes de télévision
nationales et internationales. Elles
incluent également le produit des
ventes d’articles officiels
(merchandising). En ce qui concerne les coûts, il convient de distinguer entre les frais de 5
fonctionnement et les frais d’infrastructure. Les premiers englobent toutes les charges
courantes liées à l’organisation d’une manifestation sportive. Les seconds comprennent les
dépenses de construction et d’amélioration des infrastructures sportives prises en charge par
les organisateurs. Dans les frais de fonctionnement, on trouve par exemple les frais de
promotion et de publicité, les charges administratives et de gestion, les coûts liés à la mise sur
pied d’un système de sécurité ou les frais de transport et d’hébergement. Parmi les frais
d’infrastructure, citons les coûts de construction des équipements temporaires – centre de
presse ou village olympique par exemple – et des installations sportives.
Bénéfice des visiteurs
Le montant qu’un individu est prêt à payer pour disposer d’un bien correspond au bénéfice –
ou à l’utilité – qu’il retire de sa consommation. Si le prix est supérieur au montant maximal
qu’il est prêt à payer, il renoncera à l’achat. Par contre, il est possible que la somme
effectivement versée soit inférieure à celle, maximale, que le consommateur serait disposé à
payer pour obtenir le bien en question. La différence entre le montant maximal qu’un individu
est prêt à payer pour acquérir une certaine quantité d’un bien et le montant effectivement payé
est appelée surplus du consommateur et correspond à un gain net pour celui-ci. En raisonnant
sur une courbe de demande collective, on aboutit, par addition des surplus individuels, au
bénéfice total retiré de la consommation d’un bien par l’ensemble des consommateurs du
marché.
Coûts et bénéfices pour la société
L’organisation d’une manifestation sportive apporte des avantages mais impose aussi des
coûts à la société. Parmi les bénéfices, on trouve l’amélioration de la productivité des facteurs
de production de la région hôte et l’effet d’image et de notoriété. La mise sur pied d’un
événement de grande envergure permet de développer dans la région des compétences et des
savoir-faire nouveaux dans de nombreux domaines (tourisme, secteur de l’informatique...).
Ces effets s’accompagnent d’une amélioration de l’organisation et des processus de
production, des techniques ainsi que du niveau de qualification de la main-d’oeuvre. Il en
L’amélioration des infrastructures de transport qui accompagne généralement l’organisation
d’une manifestation de grande envergure permet également, grâce une meilleure accessibilité
de la région et à une diminution des coûts de transport, d’accroître la productivité. Le second
type d’avantage concerne l’effet d’image et la notoriété associés aux mégaévénements. Ces
derniers bénéficient d’une couverture médiatique importante permettant de faire connaître la
ville ou la région hôte dans le monde entier. L’effet médiatique s’apparente à une forme de
campagne publicitaire indirecte en faveur de cette ville ou région. Les manifestations
sportives de grande envergure représentent donc un vecteur de communication très efficace
pour une région, dont l’industrie touristique sera la première à profiter.
Le dernier avantage est lié au prestige et à la notoriété d’une grande manifestation sportive.
Devenir l’espace de quelques jours ou de quelques semaines le centre d’attention de millions
de personnes contribue à développer un sentiment de fierté parmi la population de la région
organisatrice. En ce qui concerne les coûts supportés par la société, trois catégories méritent
d’être mentionnées. La première concerne les atteintes causées à l’environnement naturel. La
deuxième est liée au phénomène de congestion des réseaux de transport. La dernière concerne
les frais d’infrastructure à la charge des pouvoirs publics.
1er
type de coût : la construction des infrastructures générales et sportives ainsi que
l’aménagement des sites nécessaires à l’organisation d’un événement sportif de grande
envergure ont des retombées plus ou moins importantes sur l’environnement naturel. Comme
notamment la dégradation du paysage consécutive à la construction d’installations
inesthétiques – piste de bobsleigh pour les Jeux olympiques, stades – ou à la préparation des
sites sur lesquels se dérouleront les épreuves – déforestation pour aménager une piste de ski, 6
par exemple. Ces dommages peuvent aller jusqu’à la destruction d’écosystèmes lors des
grands travaux. Enfin, le déroulement même de la manifestation provoque des atteintes au
milieu naturel – production de déchets ou pollution atmosphérique par exemple – et à la
qualité de vie des populations résidantes – nuisances sonores. Même si les caractéristiques
environnementales n’ont pas de valeur marchande, elles n’en contribuent pas moins au bien-
être des individus. Dès lors, il convient d’intégrer dans une analyse coûts-bénéfices les
dommages imposés par une manifestation sportive à l’environnement naturel.
2e
type de coût : le phénomène de congestion qui accompagne un événement sportif important.
L’arrivée de nombreux visiteurs provoque une saturation des axes de transport, avec pour
conséquence des pertes de temps et un accroissement du nombre d’accidents. Ces dommages
doivent être intégrés dans l’analyse coûts-bénéfices.
3e
type de coûts : les frais d’infrastructure à la charge des pouvoirs publics. Une partie des
coûts liés à la construction des équipements sportifs est supportée par les organisateurs. Les
collectivités publiques participent cependant aussi à leur financement. Elles prennent
également en charge les frais d’aménagement des infrastructures générales – nouvelles routes
d’accès, amélioration des systèmes de télécommunication, modernisation des aéroports, etc.
Ces investissements, financés par le budget des collectivités publiques de la région hôte, sont
supportés, en définitive, par l’ensemble des contribuables. Ils représentent donc un coût pour
la société.
Conclusion :
Les moyens financiers alloués à l’organisation de manifestations sportives ou à la réalisation
d’infrastructures sont de plus en plus importants. On constate en particulier une utilisation
croissante des fonds publics dans le secteur du sport. Des voix s’élèvent, notamment aux
Etats-Unis, pour dénoncer le subventionnement massif des infrastructures sportives par l’Etat.
D’un point de vue strictement financier, il semble en effet que ces dernières soient peu
rentables, les coûts de construction et d’entretien étant généralement hors de proportion par
rapport aux recettes. L’absence de rentabilité financière immédiate des infrastructures
sportives et, plus généralement, des événements sportifs, ne constitue cependant pas un motif
suffisant pour abandonner tout subventionnement public. En effet, si le sport exerce un impact
significatif et durable sur l’activité économique, la participation financière de l’Etat est
judicieuse. La mise sur pied d’un événement sportif ou la construction d’un stade
s’apparentent alors à un instrument de politique économique capable de stimuler la production
et l’emploi. Cette optique incite un nombre croissant de villes et de régions à axer leur
politique de développement autour du sport.
Avant de conclure que l’organisation d’une mégamanifestation ou la construction d’un stade
est une politique pertinente, il importe de s’assurer que ces mesures sont aussi efficaces, voire
plus, que d’autres programmes de développement économique. Par souci d’efficacité de
l’utilisation des ressources budgétaires, il convient de donner la priorité aux programmes qui,
pour un coût donné, produiront les effets les plus importants sur l’activité économique.
L’intérêt public d’un grand projet est souvent évalué par l’ampleur des retombées
économiques. Dans cette perspective, la participation financière de l’Etat peut être remise en
question si le sport ne produit aucun impact significatif sur la production ou l’emploi. Il faut
cependant tenir compte des autres effets induits par le sport. Les bénéfices sociaux – réduction
de la criminalité, amélioration de la santé des individus -, l’accroissement du dynamisme des
régions et l’esprit d’entreprise qui s’y développe sont autant d’avantages liés au sport qui
échappent au calcul économique mais qui doivent être inclus dans la décision d’organiser une
manifestation de grande envergure ou de financer une infrastructure sportive.
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