Question obligatoire posée à tout étudiant de lettres confronté à la littérature médiévale, L’amour courtois est une notion historique et sociologique des plus intéressantes puisqu’elle nous fait entrer de plein fouet dans le cycle Arthurien certainement initié par Chrétien de Troyes. Elle fait également entrer dans les aspects les plus étranges de cette œuvre (l’amour de Guenièvre pour Lancelot et non pour Arthur) commencée par Erec : chevalier de la table ronde, et qui s’achèvera grâce à un (ou plusieurs ?) continuateurs avec La mort le roi Arthur. Entrons dans le monde merveilleux de la matière de Bretagne et dans l’atmosphère envoûtante des Troubadours du XIIe siècle.
- L'amour courtois chez Chrétien de Troyes
Cette "mode" sera notamment illustrée dans les romans arthuriens de Chrétien de Troyes (1135-1185). A noter que si nous sommes loin de tout savoir de la vie de Chrétien, on sait tout de même qu’il n’a pas été qu’un simple romancier en vers, il a également composé une multitude de chansons, chantées dans les cours. Ne perdons donc pas de vue (historiquement) qu’à l’origine, c’étaient les poètes et les troubadours qui devaient chanter l'amour courtois. L'amour est un désir physique et sensuel mais doit rester contenu dans des limites imposées par la société et par le respect dû à l'être aimé. D'où la naissance d'une tension très forte entre la volonté du soupirant et la réalité. Très grossièrement, les historiens littéraires ont défini l'amour courtois comme un amour à sens unique. Le prétendant doit lui seul souffrir les embûches pour séduire celle qu'il aime, (à priori presque toujours) sans récompense ou du moins sans espoir de récompense. L'amour se devrait donc d'être purement platonique, sentimental voire intellectuel. Pourtant, que dire de Lancelot ou le chevalier de la Charette où, pour prix de son dévouement, le chevalier Lancelot obtient la récompense ultime: le droit de passer une nuit d'amour avec la reine Guenièvre. Contre toute morale, ce passage de Chrétien de Troyes est assez loin de l'image lisse que l'on a bien souvent voulu donner à la notion d'amour courtois. Souvent considéré comme un acte de dévotion permettant au chevalier de se rapprocher d'une croyance divine, tout en idolâtrant la femme en toute chasteté; l'acte physique dans Lancelot amène même à l'image symbolique du pêché avec la tache de sang incrustée dans les draps blancs au petit matin. Alors que Lancelot s'était blessé à la fameuse épreuve du pont de l'épée, le voilà qui laisse une indélébile souillure de pourpre, pour le moins significative, dans le lit de la reine. Nous passerons sur les conséquences que cela implique dans l'histoire, pour nous intéresser bien davantage à la signification de cette tâche (A noter que l'amour courtois parvient souvent comme ici à développer l'allégorie et la suggestion). Le sang dans les draps blancs de la charmante reine n'est pas sans rappeler le pêché originel pour lequel les hommes et les femmes ne cessent de payer depuis Adam et Eve. Le rouge du sang est bien l’indication du pêché réalisé par la femme mariée et l’amant vigoureux : l’adultère laisse une trace indélébile. Rappelons tout de même que jamais dans Lancelot, Arthur ne sera au courant de cette aventure et que nul à la cour du roi ne soupçonnera une telle récompense pour la vaillance de Lancelot