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Racisme en russie

Question anonyme le 31/10/2009 à 10h41
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Robert passe la tête dans l'embrasure de la porte de sa chambre, l'air mi-étonné, mi-inquiet. Il est rare d'avoir ici de la visite. Au cinquième étage de l'immeuble numéro 7 de la cité universitaire de Voronej, un bâtiment de brique auquel on accède en slalomant entre les flaques de boue, les étudiants africains vivent entre eux. Calfeutrés. «On évite de sortir», reconnaît Robert, arrivé d'Angola il y a un an, pour des études scientifiques. Mettre le nez dehors est devenu «un risque». En quelques années, Voronej s'est acquis, aux côtés de Saint-Pétersbourg, la triste réputation de «centre du fascisme russe». L'étudiant péruvien Enrique Angeles Hurtado y a été tué à l'arme blanche en octobre 2005. «On n'ose pas répliquer» Plus récemment, un Guinéen a été lardé de coups de poignard à proximité de la rue Khalzounova où habite Robert. Près de 99 agressions racistes ont été recensées à Voronej pour l'année 2005, soit 40% de plus qu'en 2004. La seule faute des victimes était d'avoir la peau foncée ou les yeux bridés. «Je ne comprends pas pourquoi les fascistes deviennent si forts dans le pays qui a vaincu le nazisme, dit Robert. Mais je préfère me taire, j'ai encore cinq années à passer ici.» Willy, son voisin de palier, un grand gaillard athlétique originaire du Congo, est plus disert. Il évoque, la voix tremblante d'émotion, le quotidien qui est le sien depuis cinq ans. Les humiliations, les insultes qu'on lui lance à la figure dès qu'il s'aventure à l'extérieur de son dortoir. «Nègre», «singe», «cul noir». Les attaques dirigées contre les filles russes qu'il fréquente, traitées de putes et brutalisées, parce qu'on ne leur pardonne pas de sortir avec des Noirs. «C'est dur, j'ai peur comme tous les étrangers qui vivent ici, confie le Congolais qui porte, comme une protestation, un tee-shirt sur lequel est imprimé le visage du Péruvien tué. Chaque jour que Dieu fait, je prie pour rester en vie.» A l'entendre, toute promenade, même au magasin d'alimentation, est porteuse de dangers. «Avant, dit Willy, on repérait les skinheads. Mais aujourd'hui, le racisme gagne partout. Même les étudiants russes qui nous parlent normalement en cours se transforment parfois en agresseurs.» Il y a trois semaines, Willy et ses amis sont partis pique-niquer dans les bois tout proches, où ils ont été attaqués et blessés par une quinzaine de jeunes Russes à coups de tessons de bouteille. «On n'ose pas répliquer, explique l'étudiant congolais, car si la situation dégénère, nous sommes toujours les coupables aux yeux de la justice russe. Les flics aussi nous tombent dessus. Ils font tout pour couvrir les gangs.» Après cinq ans en Russie, Willy n'a toujours pas d'amis russes. Juste quatre ou cinq «connaissances», qu'il invite de temps en temps parce qu'ils le considèrent comme «un être humain». Réflexe d'autruche Ce récit terrifiant met mal à l'aise la gardienne du dortoir, qui a assisté à l'entretien. Elle explique qu'une discothèque a été créée à l'intérieur de la cité U, pour contourner le problème. «On est tous confrontés à la criminalité, ce n'est pas du racisme», avance-t-elle, confuse. Ce réflexe d'autruche résume un sentiment partagé en Russie, où pouvoirs locaux et fédéraux restent passifs face à l'inquiétante vague nationaliste et nihiliste qui monte des profondeurs du pays, alimentée par les soldats psychologiquement détruits qui rentrent de Tchétchénie. L'organisation de jeunesse poutinienne «Nachy», qui se présente comme un front antifasciste, fait semblant de réagir. Cette agitation sur commande laisse songeurs les jeunes opposants démocrates et communistes de Voronej, qui y lisent une forme de «récupération politique». «Il suffit d'allumer la télévision pour constater que le pouvoir poutinien ne cesse d'encourager le nationalisme, confie Roman, 21 ans, étudiant en histoire. Il a besoin d'un ennemi imaginaire, pour se poser en recours. Au nom de la lutte contre cet ennemi inventé, il bâillonne les vrais opposants au régime.» Willy ne va pas si loin dans l'analyse. Il ne pense qu'à une chose. Obtenir son diplôme d'économie et dans un an, quitter la Russie. Pour toujours.
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