670 021
questions
1 486 214
réponses
1 459 584
membres
M'inscrire Me connecter
Inscription gratuite !

Proposition de thèse de doctorat ou de DEA

Question anonyme le 26/10/2011 à 02h23
[ ! ]
Bonjour, Ancien élève et diplômé de l'ENA d'Alger (1ère promo 64-68 AEK), ancien administrateur au Plan, nommé au Plan en 68 et chargé de la préparation de l'Ordonnance portant création des Instituts de Technologie (1969), j'ai eu la conviction très vite que la gouvernance sociale était la question première du développement et qu'elle ne faisait l'objet d'aucune attention de la part des responsables tout absorbés par la théorie des " industries industrialisantes" de De Bernis. J'ai voulu approfondir la question dans le cadre d'un doctorat et d'un stage au BIT à Bruxelles . Loin d'être suivi, j'ai subi un rejet qui m'a été fatal. La question est cependant toujours pendante. Sans être présent en Algérie, je vois les effets pervers qu'elle produit à travers la question du dérapage de l'immigration en France. Je vous transmets ainsi, ci-dessous, le texte de la problématique de gouvernance sociale de l'époque avec l'espoir que vous lui consacriez un séminaire, un débat, et qu'un étudiant (ou un groupe d'étudiants) s'y intéresse et reprenne ce projet jamais achevé, soit dans une thèse de doctorat, d'un DEA ou simplement d'un exposé. Avec mes meilleurs sentiments. Christian Benammar ........4.1 - Mission d'étude et thèse de doctorat. Passée l'arithmétique de la planification des ressources humaines (pré-plan triennal 67-69 et plan quadriennal 70-73), l'intuition de gouvernance sociale envahissait mes pensées. Concrètement, comment attribuer, au lendemain de l'indépendance, plusieurs dizaines de milliers de postes de travail créés du fait d'une politique industrielle volontariste ou laissés vacants après la fuite des Européens ? Selon quelle stratégie ouvrir ou réattribuer les postes, fixer les profils, couvrir les besoins ? Selon les lois du marché du travail ou de façon plus administrée par voie de formation, d'association ou de coopération, et avec quelles contraintes ? Il ne s'agissait pas alors d'inventer un nouveau fil à couper le beurre. Division et stratification avaient été théorisées et portées dans le débat politique depuis longtemps. Ne pas admettre ni réguler le jeu déterminant d'une stratification sociale au départ d'une étape historique de développement ne pouvait qu'endommager l'équilibre de construction de la Société. Or pour les planificateurs promus au rang de guides de la libération économique, mon projet ne faisait que mettre des bâtons dans les roues de leurs certitudes, tandis que chez les indépendantistes, renforcés par le camp des islamistes de l'époque et surtout le Parti FLN, on considérait la question de la division sociale comme un serpent caché sous la pierre de l'unité des combattants et des croyants. D'autant que la planification était directive et autoritaire, telle une offrande faite à un peuple muselé tenu pour infantile. Raisonnablement, la problématique emploi-formation-salaires conduisait à analyser l'impact du modèle des ''industries industrialisantes'' (théorie de Bernis et de Bobrowsky, dérivée des pôles de croissance de Perroux), non pas simplement en termes de comptabilité de ressources humaines par rapport aux besoins, mais en termes d'objectifs de politique sociale. Interroger à cette fin, les types d'investissements, le choix des technologies mises en ouvre et donc le rapport capital-travail induit, dont dépendait en aval la formation sociale nationale, objectif sacré de justice sociale de la révolution. Fourastié avait montré que le progrès technique influençait certes la productivité, mais qu'il agissait aussi sur le niveau de vie et l'organisation sociale. Or, De Bernis ne voyait pas que sa théorie des "industries industrialisantes" allait provoquer une dérive sociale calamiteuse du modèle de développement ! Pour exemple, le retour sur investissement dans le pétrole et les infrastructures générait au nord (déjà mieux loti) des effets centuples à ceux du sud où il y avait tant à faire. Plus que de l'exploitation, c'était de l'extorsion. Au lendemain de l'indépendance, le raisonnement binaire à la mode était très rigide. Il semblait à tous qu'il n'y avait qu'à choisir : - soit, la voie libérale de l'économie de marché, régulatrice spontanée de l'allocation des facteurs et des ressources par le jeu de l'offre et de la demande. Mais, la voie était inopérante au possible, inégalitaire, injuste et, de surcroît, discréditée par le mode d'exploitation colonial précédent. - soit, la voie marxiste (sans le guide de la lutte des classes). Mais, la philosophie du matérialisme historique faisait figure d'épouvantail aux yeux des nouveaux dirigeants qui lui opposaient un socialisme mou, pragmatique, le ''socialisme spécifique'' (Bouteflika 1966-67), où on se contenterait de partager le pouvoir entre dirigeants autoproclamés et cooptés. Le Plan avait fait son nid dans ce dernier courant, convaincu qu'il ne comportait pas d'objection. Dans ces conditions, j'avais acquis la conviction que la dimension sociale du modèle de développement était anormalement abandonnée au profit de la seule planification économique et territoriale, alors qu'on devait rendre l'impact social du dirigisme économique plus visible, plus lisible. Ma thèse voulait dépasser les deux approches théoriques en se fondant sur une approche structuraliste du développement, plus souple, moins dogmatique, inspirée des études sociologiques de R. Aron, Gurvitch et Bourdieu. et, du texte du Congrès de la Soummam (1956). Mon objectif n'était alors que d'introduire le concept de gouvernance sociale dans le cadre de la planification générale, faire de la gouvernance sociale le volet manquant articulé à la planification économique et territoriale pour composer la planification générale du développement. Mais, les a priori du Parti étaient pires qu'au Plan. Mon projet, sans être oppositionnel, allait devenir sulfureux à mon insu avant d'être connu. D'autres, partageaient mes doutes et m'encourageaient. Très discrètement. 4.2 - Situation sociale au lendemain de l'indépendance Déjà, dans la première partie des années 60, un processus de répartition inégalitaire des richesses, du travail et des revenus s'était mis en place ''spontanément''. L'objectif prioritaire de la construction nationale était alors axé sur la remise en marche de l'économie, la poursuite du plan de Constantine lancé par le Général De Gaule en 58 et la réalisation d'une première série d'investissements industriels. Dès cette étape, l'algérianisation des postes de travail avait posé de sérieuses difficultés. Il fallait, en outre, convertir et restructurer le cadre économique et administratif en tenant compte des nationalisations et de l'option socialiste. La population n'était pas préparée. Or, le constat était fait dans les domaines industriel et éducatif, que l'Algérie resterait structurellement dépendante des décisions prises par la France 10 ans auparavant. Par exemple, en matière deformation, hisser des cohortes de jeunes du primaire au supérieur ou au professionnel exigeait un temps incontournable. Ces contraintes favorisaient les mieux placés dans la course aux salaires et emplois et reléguaient en arrière-plan l'impératif d'infusion sociale des savoirs et des qualifications. Le marché de l'emploi subissait dans ces conditions les chocs simultanés de l'algérianisation des postes de travail, de l'étatisation du cadre économique, des déficits de main-d'ouvre qualifiée partout criants et du départ des cadres européens. Dans ce passage étroit de la reconstruction, quand on accélère les investissements industriels, on multiplie les désajustements, les goulots d'étranglement. Il apparaissait clairement que l'enchaînement des étapes de réalisation achoppait sur la multiplicité des obstacles. Indice révélateur, les taux annuels de consommation des crédits restaient anorexiques et les capacités de réalisation insuffisantes, malgré le gonflement des programmes d'équipements et les financements ajoutés. Manquaient désespérément les moyens humains. Dans la bataille engagée, l'effet de cisaille sociale n'octroyait pas place égale à tous. Sous-jacente, la répartition des revenus était faussée au départ. À l'avant de la révolution, la métamorphose du marché du travail dénaturait le bon agencement de la pyramide sociale. Comme les besoins en main-d'ouvre qualifiée mettaient en péril la maîtrise de la reconstruction, l'idée était venue (en application du serment solennel de rapatrier les émigrés) de récupérer la main-d'ouvre émigrée en Europe. En 1968, les Consulats nous signalaient, par exemple, qu'il y avait près d'un millier de médecins et d'agents médicaux d'origine algérienne en région parisienne et un gros réservoir ouvrier en France et en Belgique. La plupart étaient Français, peu importait. Malheureusement, la difficulté pour nous était d'offrir aux émigrés des salaires, des logements, des places dans les écoles et un niveau de confort et de couverture sociale correspondant au modèle français. Les coopérants techniques et VSNA français apparaissaient moins « coûteux ». Le pourcentage de retour des émigrés est ainsi resté faible. Au bout de cinq ans, l'opération menée par les Consulats, l'Amicale des Algériens et Expansial a été considérée comme un échec. Une croix avait été faite sur le retour des émigrés d'autant plus vite qu'ils rapatriaient une épargne équivalente aux recettes pétrolière et finançaient l'importation de biens de consommation qui réduisaient agréablement les premières pénuries ménagères. La diaspora y trouvait son intérêt et renforçait sa force et son autonomie, hier contre le pouvoir, aujourd'hui avec son soutien. Le nationalisme changeait d'analyse en découvrant ce lien avec la France qui avait fait sa force. Se sont ainsi rapidement généralisés les recrutements et les promotions sans apport de compétence autre que palliative dans le tout-venant social. Caricaturalement, le paysan remplaçait l'agronome, l'ouvrier l'ingénieur, l'infirmier le médecin, l'instructeur le prof, l'employé le cadre. une compétence amortissant parfois, avec plus ou moins de bonheur, les manques de savoir-faire des échelons voisins. La productivité des postes de travail et l'adéquation avec les profils de qualification se perdait. L'effet, au mieux placebo, des réglementations a encouragé une attribution subjective des salaires et l'alourdissement des effectifs improductifs sans réduire pour autant l'instabilité insupportable des travailleurs peu préparés et peu motivés face aux difficultés des tâches ou au démarrage des nouveaux projets dans des responsabilités enchevêtrées, faussées, vidées parfois de sens et de substance par la réorganisation étatique et la restructuration économique. À la faveur des mouvements erratiques de main-d'ouvre, une surenchère salariale anarchique s'est amorcée, puis a explosé entre les entreprises et les secteurs d'activités. Sans arbitrage au plan national. Sans volonté, non plus, chez les responsables sur le terrain de contenir les dérapages de la course aux revenus, en s'interdisant, notamment, de s'aider du levier des salaires pour atteindre leurs propres objectifs. La formation sociale au lieu de s'édifier dans l'esprit des indépendantistes engendrait en sous-main, au nom de l'efficience, une structure de redistribution à l'opposé du modèle de justice prôné par la Révolution. Le désordre résultait largement du choix des projets d'investissement dotés de coefficients de capital élevés sous prétexte de gains de productivité, d'économies d'échelle, d'urgence et de simplification des procédures d'appels d'offres, sans voir la question lancinante du retour de bâton du productivisme: le coût économique et social à payer, la réévaluation des contrats, la maîtrise et la maintenance des projets, la désorganisation du marché du travail, les inégalités. La gouvernance sociale butait sur l'a priori dogmatique des responsables pour qui même la rentabilité et la productivité du travail n'étaient pas un sujet essentiel au regard de la construction économique. Le peuple se serrait la ceinture, sans comprendre au profit de qui allait servir son sacrifice. J'entrais, avec inquiétude, dans la conviction que, si le socialisme algérien devait échouer, il le devrait, en premier lieu, au fait que le pays négligeait de gérer la création et la redistribution des richesses en fonction du travail et des besoins sociaux. Au sommet, le pays se contentait, sûr de sa voie et du postulat de sa gestion, de simplement accaparer la propriété des moyens de production nouveaux et de fixer autoritairement les objectifs de développement. Il ne se préoccupait pas des désajustements sociaux provoqués par la spirale infernale des emplois, des prix et des salaires fomentés par le couple diabolique de l'économie administrée et de l'économie de marché. Les étatistes restaient obsédés par l'utopie brillante, mais irréaliste, de la création prioritaire d'une économie industrielle pourvoyeuse de tous les bienfaits. Simultanément, ils ne voyaient pas l'erreur colossale de reléguer à l'arrière-plan le rôle et la place de l'agriculture, pourtant seule capable d'occuper la paysannerie majoritaire et de nourrir la population grandissante des villes. Le capitalisme industriel de la voie socialiste s'imposait ostensiblement. Le doute n'était pas permis. La décolonisation infantilisée justifiait le modèle industriel des pays développés. L'écologiste Dumont s'en était déjà indigné dans son livre ''L'Afrique noire est mal partie''. Mais on l'accusait de vouloir pérenniser les inégalités de croissance et de grossir démesurément les risques de pénuries alimentaires. De faire jeu inverse du retour au développement. Tourné en dérision, l'écologiste n'avait pas tort. En autarcie, il y avait un équilibre fondamental à observer entre population et ressources disponibles dont dépendait le partage égalitaire prôné par la révolution. Mais, les clans avaient reçu le message progressiste comme une drogue : le développement possible est illimité en théorie face à la démographie. Ils oubliaient toutefois qu'il imposait en corollaire une répartition élargie des fruits et des charges de la croissance en fonction des gains de productivité obtenus et de la rente pétrolière. Vers quelle structure sociale s'acheminait-on ? On ne se posait pas la question. Pas plus celle de savoir si nous ne précipitions pas l'échec économique en alourdissant le poids de la croissance par celui d'objectifs surajoutés, d'investissements mal définis, mal calibrés, trop bien « conseillés ». Le surdosage industriel multipliait pourtant les contre-indications sur le plan social. Comment réagir en cas d'échec ? Où était la voie à suivre, la ligne à ne pas dépasser ? Les critiques commençaient à se faire sentir dans les retards, les reports de réalisation, l'inadéquation des capacités par rapport aux plans de charge. Et comme pour écarter toute objection, déjà s'ajoutaient les chantiers de l'arabisation avec du personnel pédagogique sous-qualifié venu du Moyen-Orient, alors que la phase d'algérianisation des postes de travail n'était pas terminée. On s'enfonçait dans l'incohérence, le bluff, la dépendance par rapport aux revenus du pétrole . Les étatistes bombaient le torse, s'imputant glorieusement des réussites qui n'étaient que celles de contrats juteux du secteur privé ou des firmes étrangères ! Le hiatus de la division sociale était aussi que le patrimoine et les privilèges de la population européenne en fuite, en 62, s'étaient transmis comme un anesthésique à une minorité urbaine béate, avide, impatiente de se hisser aux premières places sans travail. Elle allait faire de son appropriation gourmande la force et la raison de son alliance avec un régime autoritaire (pas de réaction populaire au coup d'état de 65). Cet accaparement encouragé par un pouvoir bardé d'a priori incantatoires et d'anathèmes, faussait, au départ, la récompense des mérites et la mise en place du modèle social d'égalisation des chances prôné par la révolution. La dérégulation débridée des emplois, des salaires et des prix cancérisait l'économie et la construction sociale. Le Ministre de l'Industrie venait de Polytechnique. Il était comme tous les premiers de la classe excellent, rassurant et. inconscient. Au-delà de la planification des ressources humaines officielle du BIT et de ses recommandations (ne créer que des emplois productifs), il y avait là, qui me taraudait, entre la rareté des ressources et l'urgence d'en disposer, tout un fatras d'arrière-pensées nichées dans le sillon des improvisations forcées auxquelles condamnait le modèle théorique du Plan concocté dans les bureaux. Le modèle flattait la grandiloquence du pouvoir au lieu de répondre aux attentes fébriles de la population, alors que la planification sociale devait aider à ajuster l'impératif technique et productif aux différentiels sociaux. Je pressentais ainsi, confusément, au tournant des années 70, que, derrière le culte de l'État et du ''Führerprinzip'', se profilait sournoisement, l'importation d'un modèle de fatalité sociale moyen-orientalisée, porté par une petite bourgeoisie d'affaires naissante, ultra nationaliste, citadine, peu cultivée, avide et magouilleuse qui n'avait de fortune qu'arrachée aux Pieds-Noirs. Et, avec elle, la montée en flèche dans l'appareil étatique des rivalités de clans, déjà visibles sur la place publique dès 70. Mal m'en prit. Au Plan, on n'avait nul besoin d'un pseudo-penseur et moins encore d'un chercheur en matière de ressources humaines. Le Directeur général du Plan avait sèchement rejeté mon projet de stage sur la planification des ressources humaines au BIT et à l'Institut de Sociologie de l'ULB. Je n'étais sorti, il est vrai, que depuis seize mois de l'ENA. Ça faisait un peu court par rapport à ma durée de service. Mais, en tombant de mon nuage, je trouvais sa décision injuste et erronée. Il attribuait généreusement des missions d'information et de contact à l'étranger aux cadres à sa dévotion. Plus tard, on m'a rapporté qu'il s'était même plaint auprès du Président, des conditions de mon départ, d'avoir eu son autorité court-circuitée par le Directeur de l'Administration Générale, Taouti, le Secrétaire général, Djaffari, et le Ministre des Finances et du Plan, Cherif Belkacem, hiérarchiquement supérieurs. Il est vrai que mon traitement durant le stage restait imputé au Plan. Eux, au contraire, encourageaient mon projet d'étude, qui devait commencer logiquement par une critique de la planification. J'ai gardé comme une relique l'ordre de mission que m'avait signé A.Medeghri, Ministre de l'Intérieur, gestionnaire du corps des administrateurs auquel j'appartenais, qui sera assassiné mystérieusement quelques années plus tard, en 1974. (Extraits.)
Répondre
Publiez votre réponse
Règles de bonne conduite :
  • Du respect et de la politesse envers les autres
  • Un style rédactionnel clair, une orthographe soignée
  • Le langage SMS n'est pas autorisé
  • Une réponse construite, détaillée et argumentée
  • Pas de propos insultant, diffamatoire, ni xénophobe
  • Pas de publicité, de spam, ni de contenu illicite
  • Pas d'information personnelle divulguée
  • Pas d'échange d'email, ni de coordonnées personnelles
Réponses sur le thème « 
Proposition de thèse de doctorat ou de DEA
 »
Etes-vous un expert ?
Répondez à l'une de ces questions !
Posez votre question maintenant !
Publiez votre question et obtenez des réponses d'experts bénévoles et de centaines d'internautes, gratuitement.
Titre de votre question :
Votre question en détails :
T30.648